À chercher au fond des armoires, dans les malles perdues au coin des greniers de Bretagne, nul doute que l’on trouverait encore, bien protégés à l’abri du regard (et des mites…) quelques exemplaires de costumes que portaient nos grands-parents. Et de coiffes… Bon nombre ont pourtant été jetées, voire brulées. D’autres se trouvent dans les musées, délicats ouvrages enfin préservés, objets d’admiration et d’étude pour les générations à venir.
La coiffe, en tant qu’élément du costume traditionnel des paysannes, portée parfois quotidiennement, parfois seulement pour les cérémonies, revêt une importance particulière pour les femmes bretonnes jusque dans les années 1950 environ, période à laquelle elle décline progressivement. Elément d’appartenance à un groupe humain mais aussi instrument de prestige et de distinction par rapport à l’ensemble de la population, la coiffe est également une manière de se différencier individuellement au sein d’une communauté, de montrer sa richesse ou sa fonction comme le traduisent les coiffes d’artisanes, par exemple.
Après la Révolution française et l’abolition des lois somptuaires, un vent de liberté atteint tous les milieux et tous les domaines, notamment le milieu paysan et artisan et le domaine vestimentaire. Tout le XIXe siècle et le début du XXe verront le développement de costumes enrichis par des artisans maitrisant de mieux en mieux les techniques de couture et de broderie et par l’utilisation de dentelles mécaniques ou manufacturées.
Les modes évoluent au fil de cette période et les coiffes de même, mais toutes gardent deux éléments permanents : le fond et les ailes. Certaines deviennent plus petites, comme la coiffe du Pays Pourleth, d’autres prennent de la hauteur, comme la coiffe Bigoudène ; d’autres enfin restent proches en forme des coiffes du XIXe siècle, comme les coiffes du Léon. Seuls certains détails changent. Les matériaux dans lesquels elles sont fabriquées diffèrent aussi selon la période, la région et, bien sûr, la richesse de la commanditaire. Ainsi, au départ souvent coupées dans une toile plus ou moins grossière, les coiffes vont prendre de la légèreté avec le tulle et les dentelles mécaniques. L’apparition de la fibre synthétique fera aussi l’affaire des femmes en désir de modernité.
Fin XIXe – début XXe siècle, c’est la grande mode en France des pièces en filet noué brodé, que ce soit pour la décoration intérieure ou les vêtements. L’encyclopédie de Mme de Dillmont jouera un rôle essentiel dans sa diffusion. Rien d’étonnant que les Bretonnes s’en emparent pour leurs coiffes. En Cornouaille, sous l’impulsion de Mme de Lécluse, des ateliers de fabrication de dentelle voient le jour permettant aux ouvrières des conserveries victimes de la crise de la pêche de trouver là des revenus pour leur famille. D’autres ateliers suivront dans d’autres villes, comme l’atelier de la Miséricorde de Kernisy à Quimper qui produit toutes sortes de dentelles et broderies dont le filet.
Le filet noué brodé constitue, à côté du tulle, le matériau idéal pour les coiffes. Il permet divers types de broderies, broderie Cluny, filet d’art, filet Richelieu ou broderie plumetis, sur des bases de filet carré ou de filet irrégulier, toutes particularités que l’on retrouve pour la fabrication des coiffes en Bretagne. Certains types de coiffes sont fréquemment fabriqués en filet : la Penn Sardin, de la région de Douarnenez, la Penn Kolvez de la région de Carhaix ou la Sparlenn de la région de Landivisiau. D’autres ne l’ont été que pendant une courte période, sans doute parce qu’on ne trouvait plus de tulle ou d’autre dentelle, ou pour des raisons de coût : c’est le cas de la coiffe Bigoudène.
Aujourd’hui, et depuis les années 1950, les coiffes des différents pays de Bretagne trouvent une nouvelle vie grâce aux cercles celtiques qui ont fait un travail important sur la danse et, en parallèle, sur les costumes et les coiffes.
Les coiffes en filet noué brodé sont depuis 2006 le domaine d’étude et de recherches de l’association Ijin ha Spered ar Vro qui s’attache à retrouver les méthodes de confection de ces magnifiques éléments vestimentaires bretons. Pour chaque coiffe en filet noué brodé repérée, l’association pratique une collecte auprès des familles en possédant, puis réalise une analyse détaillée de la coiffe, en collaboration avec le Service régional de l’Inventaire du Patrimoine, afin de la resituer dans son contexte historique et culturel: territoire, datation, conditions d’utilisation (quotidienne, cérémonie), iconographie (photographies, cartes postales anciennes), etc.
L’objectif de l’association est non seulement la sauvegarde et la valorisation d’une richesse patrimoniale menacée, les coiffes bretonnes, mais aussi la préservation d’un savoir-faire unique: celui des « petites mains » qui les ont créées.
Auteur : Yvonne Olivier (Association Ijin ha Spered ar Vro, Maison du filet brodé)
Retrouvez l’association Ijin ha Spered ar Vro sur ijin.ha.spered-arvro.over-blog.com
Contact : ijin.plouenan@yahoo.fr