Si user ses fonds de culotte sur les bancs du lycée dans l’espoir d’obtenir le diplôme du baccalauréat est, aujourd’hui, une situation on ne peut plus usuelle pour bon nombre de jeunes gens, il en était tout autrement au début du siècle dernier et particulièrement dans les années terribles de l’immédiate après-guerre. Portrait de François Louis Boulc’h, 1er bachelier de la commune de Saint-Vougay.
François Louis Boulc’h est né le 6 août 1912, à Pen-ar-Pors, en la commune de Saint-Vougay. Ses parents, Claude Boulc’h et Jeanne Yvonne Meudec, exploitent une modeste ferme dans l’immédiate proximité de l’église paroissiale. Claude, son père, n’est pas sectaire : ses amis sont le vicaire Jean-Marie Perrot et l’instituteur François Kerdoncuff.
Alors que le premier anniversaire de François est fêté dans la joie, les évènements de la semaine précédant son deuxième anniversaire vont bouleverser sa vie. En effet, le 1er août 1914 à 16h, les cloches de l’église sonnent le toscin : c’est la mobilisation.
Claude quitte alors femme, enfant et ferme pour rejoindre le 19ème régiment d’infanterie au titre de soldat de 2ème classe. Un an plus tard, le 25 septembre 1915 à 11h30, il est tué à Tahure, dans la Marne, venant encore allonger la liste des 14 victimes que compte la commune à cette date. La violence des combats que connut Claude fut telle que le village de Tahure fut entièrement détruit. Il ne sera pas reconstruit après la guerre et son territoire sera rattaché à la commune de Sommepy-Tahure en 1950.
C’est à Jean-François Dantec, maire de Saint-Vougay, qu’est transmise la transcription de l’acte de décès de Claude Boulc’h, le 3 novembre 1916. Jeanne fait le choix de rapatrier la dépouille de son époux et de l’inhumer dans la tombe familiale à Saint-Vougay.
Incapable de tenir désormais seule la ferme de Pen-ar-Pors, Jeanne achète à Mr Bervas, un ancien de la Marine, la minuscule ferme de Bégavel, de 1,8 hectare, en face de la route de Saint-Jean. L’unique vache et le blé pour la fabrication du pain quotidien n’auraient suffi à celle que l’on surnomme désormais Chann a Begavel et à son fils pour vivre décemment, sans sa maigre pension de veuve.
Le 10 juillet 1918, François Louis âgé de 6 ans, est adopté par la Nation et peut donc bénéficier, au titre de pupille de la Nation, d’une scolarité payée par cette dernière. A la condition, toutefois, que les études se fassent dans une école laïque ! Le recteur de Saint-Vougay, Mr Cloarec, en est tellement contrarié qu’il tourmente Jeanne au point de la menacer d’excommunication. La pauvre finira par perdre la raison !
François Louis fait ses études secondaires au Lycée de Kerichen, à Brest, où il se rend par le train depuis Berven, en Plouzévédé. Quand il est reçu au baccalauréat, le bacho comme on dit à l’époque, la nouvelle fait rapidement le tour de la commune ! Et pour cause, François Louis est le 1er bachelier de Saint-Vougay ! Les gens diront en breton François Louis neuz bet e vacho !
Secrétaire de mairie à Saint-Vougay pendant quelques temps, il s’engagera ensuite dans la gendarmerie puis deviendra garde républicain, fonction qu’il exercera, en dehors de la parenthèse de la guerre d’Indochine qui durera plus de 2 ans, jusqu’à sa retraite.
François Louis est décédé le 5 mars 1980 à Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val de Marne. Joséphine Jaffray, sa veuve, est décédée en août 2018 à l’âge de 101 ans. Elle vivait à Yerres, en région parisienne, chez son fils Jean-Claude Boulc’h, toujours propriétaire de la maison de Begavel.
Voilà l’histoire de la famille du premier bachelier de Saint-Vougay, dont le père est mort pour la République et dont il aura été l’un des gardiens.
L’auteur : Passionné par l’histoire et le patrimoine de la commune de Saint-Vougay, Jean-Claude Abgrall est animateur bénévole au sein de la commission patrimoine de l’Office du Tourisme du Léon.
Crédit photographique : Jean-Claude Boulc’h