La ligne de chemin de fer Paris-Brest est mise en service en 1865, permettant alors aux voyageurs bretons de rallier la capitale en une journée à la vitesse de 34 km/h, qualifiée par la presse de l’époque «d’extraordinaire» ! Le départ se fait de Brest vers 5h du matin pour arriver à Paris vers 23h.
Aussitôt, une étude de l’ingénieur des Ponts et Chaussées, Mr Considère, montre l’intérêt de relier Roscoff à cette ligne Paris-Brest pour l’expédition de légumes, de poissons, de feldspath de Santec, de pierres de taille ou encore de pavés. Cette étude table également sur une donnée nouvelle : le grand nombre potentiel de voyageurs qui permettrait à la fois le développement touristique de Roscoff et ses environs et la rentabilisation de l’investissement.
Le tracé le plus court – Roscoff / Saint-Pol-de-Léon / Kerlaudy / Henvic / Taulé - mais aussi le plus coûteux, est choisi afin d’assurer le transport des denrées périssables dans les meilleures conditions. La voie normale est également adoptée, sur proposition de l’ingénieur Fenoux, afin d’éviter le transbordement des wagons à Morlaix comme l’aurait exigé le choix de la voie étroite moins onéreuse à réaliser. Le choix de ce tracé impose désormais la construction d’un viaduc afin de permettre le franchissement de la Penzé maritime.
Le viaduc (1881-1883) est l’œuvre de l’ingénieur Tarot et c’est aux Etablissements Le Brun à Creil (Oise), entreprise adjudicataire, que revient la construction de l’ouvrage.
Construit en pierres de taille de granite provenant de l’Ile Grande (Côtes d’Armor) par voie maritime, le viaduc doit la stabilité des fondations de son pilier central à l’enfoncement de troncs d’arbres à l’aide d’une machine à air comprimé. Son tablier métallique à treillis (système Eiffel) permettant le passage des trains a donné le nom « Pont de fer » à l’ouvrage.
Dix ans après son inauguration qui a lieu en 1883, la ligne Roscoff-Morlaix achemine 10 000 tonnes de légumes et, dans les années 1950, elle permet à la SNCF de réaliser 2% de ses recettes !
Vers 1960, trente ans avant le traité de Maastricht, le T.E.E.M (Transport Européen Express Marchandises) est créé. Prioritaires sur les trains de voyageurs, ces trains T.E.E.M permettent de relier Saint-Pol-de-Léon aux grandes villes de l’est et du nord de l’Europe en un temps record ! A la même époque, un système « rail-route » est également créé à Saint-Pol-de-Léon. Son principe : les wagons peuvent être tractés sur des routes sans aménagement particulier et assurer ainsi la livraison directe des clients, sans manutention. La gare saint-politaine était, une fois encore, en avance sur son temps !
Le transport des voyageurs est, après la 2nde Guerre mondiale et à l’avènement des congés payés, assuré par des trains « rapides » qui relient directement Montparnasse à Roscoff. Appelés « trains touristes » par la population locale, ils vont entrainer la construction d’hôtels destinés à recevoir les voyageurs, le long de la ligne. Des établissements hôteliers apparaissent alors près des gares de Roscoff, Saint-Pol-de-Léon, Kerlaudy et Taulé-Henvic. Une gare - la halte d’Henvic-Carantec - est également construite en 1910 au point le plus proche de Carantec afin de desservir cette commune touristique et balnéaire.
Il ne fait aucun doute que l’étude établie en 1865 par Mr Considère, ingénieur des Ponts et Chaussées, était pour le moins visionnaire ! La construction de cette voie de chemin de fer de 25 km va être, en effet, le fer de lance du développement touristique de Roscoff et ses environs assurant la renommée et la prospérité économique du Léon pendant un siècle !
Daniel Roué, animateur de la commission patrimoine de l’Office Intercommunautaire du Léon (OTI du Léon)
Crédit photographique : Galica BNF, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées / www.cparama.com