C’est en 1899 que Louis Bagot (1862-1941), médecin généraliste à Saint-Pol-de-Léon, fait construire à Roscoff, au lieu-dit Roc’h Roum (rocher bossu en breton), un établissement d’un genre nouveau : un cabinet spécialisé dans le traitement des rhumatismes par hydrothérapie, qui fera de cette petite ville côtière le berceau de la thalassothérapie.
Si les possibilités thérapeutiques de l’eau de mer sont pressenties dès l’Antiquité et exposées par plusieurs auteurs dont Hérodote et Pline, il faut attendre le 18ème siècle pour voir le développement des premières techniques hydrothérapiques, d’abord en Angleterre, puis en Allemagne et enfin dans toute l’Europe. Mais c’est vraiment à partir du début du 19ème siècle que se développe l’engouement pour ces bains de mer à visée thérapeutique, appelés bains à la lame et, par extension, pour les établissements de cure marine. Voués à activer la circulation sanguine et à dynamiser les anémiés, les bains à la lame dont la pratique développée en Angleterre gagne bientôt les côtes de la Manche puis la façade Atlantique, relèvent toutefois à l’époque, d’un certain folklore. Pratiqués dans des baignoires roulantes à claires-voies poussées à bras sur la plage, ou dans des cabines et à fond amovible tractées par des chevaux, ils consistent en une immersion partielle, rapide et surtout discrète des « baigneurs ». Il n’est en effet ni d’usage et encore moins de bon ton d’exposer son corps à la vue de ses semblables ! Cependant, une marche est gravie : la peur inspirée par la mer, endroit mystérieux et terrifiant peuplé de monstres, croyance héritée de l’époque médiévale, est dépassée. Le bain de mer thérapeutique va alors se déplacer de l’extérieur à l’intérieur, c’est-à-dire de la plage à l’établissement hydrothérapique.
Dès les années 1820 et jusqu’aux aux années 1860 les côtes de la Manche et la façade Atlantique voient la création d’une dizaine d’établissements: Dieppe, La Rochelle, Cherbourg, Paramé, Le Havre, Trouville, Biarritz, Luc-sur-Mer ou encore Tamaris possèdent leur cure marine. Dispensant des soins encore empiriques qui relèvent plus d’une remise en forme que d’un traitement médical à proprement parler, ils deviennent, pour certains, des lieux à la mode où se presse l’aristocratie internationale et où il fait bon se monter ! C’est d’ailleurs en 1830 que les casinos seront intégrés aux programmes de détente des cures.
Alors que les établissements de bains de mer sont officiellement assimilés aux établissements thermaux en 1850 et que le vocable thalassothérapie est inventé en 1867 par le docteur La Bonnardière, il faut attendre la fin du 19ème siècle pour que les bases scientifiques de la thalassothérapie soient vraiment posées. En effet, les travaux du biologiste René Quinton se posent, en 1896, comme le point d’orgue de toute une littérature française, anglaise et allemande consacrée, depuis le milieu du 18ème siècle, aux vertus thérapeutiques de l’eau de mer.
Cependant, les problèmes techniques dus principalement à la corrosion rapide des équipements, aux méthodes thérapeutiques qui demeurent souvent approximatives et au développement de la chimiothérapie d’après-guerre vont encore freiner le développement de la thalassothérapie jusqu’à l’aube des années 1950. C’est alors qu’apparait un élément nouveau qui va devenir central dans les établissements de soins : la piscine. Et avec elle, le développement de techniques de kinébalnéothérapie, c’est-à-dire de techniques de rééducation en eau de mer appliquées aux séquelles de traumatisme et pathologies rhumatismales. La thalassothérapie va connaître une véritable renaissance et voir, à partir des années 1960, la création de nombreux centres le long des côtes françaises (Grandville, Quiberon, Tréboul, Collioure, Porticcio, par exemple). L’engouement actuel pour le thermalisme et les médecines douces continuent d’assurer le succès de la thalassothérapie où chacun peut y puiser bien être et ressourcement.
Pionnier dans le traitement des pathologies rhumatismales au début du 20ème siècle, l’Institut marin de Roc’h Roum à Roscoff doit également sa réputation au fameux masser-rouler, appelé aujourd’hui palper-rouler. Technique de massage cutané superficiel avec déplacement d’un pli décrite par Wetterwald en 1912, elle fut découverte et adaptée par le docteur Bagot dans les années 1930, pour connaître ensuite une diffusion quasi mondiale. Roscoff, berceau de la thalassothérapie ? Qui en douterait ?
Auteur : Valérie Guesnier
Crédits photos : Association Hesco